L’aube première

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« L’aube originelle ne se montre à l’homme qu’en dernier lieu. Aussi s’efforcer, dans le domaine de la pensée, de pénétrer d’une façon encore plus initiale ce qui a été pensé au commencement n’est pas l’effet d’une volonté absurde de ranimer le passé, mais le fait d’une disposition calme, où l’on est prêt à s’étonner de ce qui vient à nous de l’aube première. »

Martin Heidegger, « La question de la technique », in « Essais et conférences », Tel gallimard.

Médecin, guéris-toi toi-même…

Dolomites

« Aristote voyait dans la compassion, c’est bien connu, un état maladif et dangereux, dont il fallait, de temps à autre se purger : il concevait la tragédie comme un purgatif. En vérité, par simple instinct de la vie, chaque fois que l’on se trouve en présence d’une accumulation de compassion maladive et dangereuse, comme dans le cas de Schopenhauer (ou celui de toute notre décadence littéraire et artistique de Saint-Pétersbourg à Paris, de Tolstoï à Wagner), on devrait lui décocher ses « pointes » les plus acérées, afin qu’elle crève… Rien n’est plus malsain, au milieu de notre malsaine modernité, que la compassion chrétienne. C’est qu’il nous faut être médecins, c’est qu’il nous faut être impitoyables, c’est qu’il nous faut porter le scalpel – voilà ce qui nous est réservé, voilà notre philanthropie, à nous, c’est en cela que nous sommes philosophes, nous, les Hyperboréens… »

Friedrich Nietzsche, « L’Antéchrist », 7.

Verðandi

Eclair

« En vérité, celui-là qui compte sur l’avenir, ou seulement sur le lendemain, c’est une cervelle creuse : il n’y a pas de lendemain qui tienne, tant qu’on n’a pas doublé sans encombre le cap de la journée. »

Sophocle, « Les Trachiniennes ».

La Vision dionysiaque du monde

Nietzsche - "La vision dionysiaque du monde"La Vision dionysiaque du monde

« Les grecs, qui expriment et taisent à la fois dans leur dieux l’enseignement ésotérique de leur vision du monde, ont institué comme double source de leur art deux divinités, Apollon et Dionysos. Ces noms représentent des styles contraires dans la sphère de l’art, et quoique s’avançant côte à côte en un conflit presque sans fin, ils semblent s’être unis une seule fois, au moment où le « vouloir » grec était à son apogée, dans l’oeuvre d’art qu’est la tragédie attique. C’est en effet grâce à deux états que l’homme conquiert la sensation du délice d’exister, le rêve et l’ivresse. »

Friedrich Nietzsche

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« Nietzsche a 26 ans lorsqu’il rédige « La Vision dionysiaque du monde », un texte resté inédit de son vivant. Il s’agit, sous une forme ramassée mais déjà extrêmement aboutie littérairement, du premier exposé de l’un des thèmes fondamentaux de sa pensée : l’opposition entre le monde apollinien et le monde dionysiaque, entre la mesure, l’apparence, la forme d’un côté, et l’ivresse, l’extase, l’oubli de soi de l’autre. Ou, pour le dire encore autrement, entre le voile du rêve et la puissance destructrice de la vérité. De l’affrontement de ces deux mondes naît la tragédie grecque. Ces pages qui annoncent et résument à la fois l’ouvrage futur « La Naissance de la tragédie », constituent une des plus belles introductions de Nietzsche à sa conception du monde comme musique. »