Race et civilisation

« Devant l’insuffisance de ces éléments d’explication (ndr: sur la décadence des civilisations), on défend parfois l’idée de race. L’unité et la pureté du sang seraient au fondement de la vie et de la force d’une civilisation ; le mélange du sang serait la cause initiale de sa décadence. Mais il s’agit, la encore, d’une illusion : une illusion qui rabaisse en outre l’idée de civilisation sur le plan naturaliste et biologique, puisque tel est le plan où l’on envisage aujourd’hui, plus ou moins, la race. La race, le sang, la pureté héréditaire du sang sont une simple « matière ». Une civilisation au sens vrai, c’est-à-dire une civilisation traditionnelle, ne naît que lorsqu’agit sur cette matière une force d’ordre supérieur, surnaturelle et non plus naturelle : une force à laquelle correspondent précisément une fonction « pontificale », la composante du rite, le principe de la spiritualité comme base de la différenciation hiérarchique. A l’origine de toute civilisation véritable, il y a un phénomène « divin » (chaque grande civilisation a connu le mythe de fondateurs divins) : c’est pourquoi aucun facteur humain ou naturaliste ne pourra jamais rendre vraiment compte d’elle. C’est à un fait du même ordre, mais en sens opposé, de dégénérescence, qu’on doit l’altération et le déclin des civilisations. Lorsqu’une race a perdu le contact avec ce qui seul possède et peut donner la stabilité, avec le monde de 1?« être » ; lorsque, en elle, ce qui en est l’élément le plus subtil mais, en même temps, le plus essentiel, à savoir la race intérieure, la race de l’esprit, a connu une déchéance (la race du corps et celle de l’âme n’étant que des manifestations et des moyens d’expression de la race de l’esprit*) -, les organismes collectifs qu’elle a formés, quelles que soient leur grandeur et leur puissance, descendent fatalement dans le monde de la contingence : ils sont alors à la merci de l’irrationnel, du changeant, de l’« historique », de ce qui reçoit ses conditions du bas et de l’extérieur.

Le sang, la pureté ethnique, sont des facteurs dont l’importance est également reconnue dans les civilisations traditionnelles. Mais cette importance n’est pas telle qu’elle permettrait d’appliquer aux hommes les critères en vertu desquels le « sang pur » décide de manière péremptoire pour les qualités d’un chien ou d’un cheval – ce qu’ont fait, à peu de choses près, certaines idéologies racistes modernes. Le facteur « sang » ou « race » a son importance, parce qu’il ne relève pas du « psychologique » – du cerveau ou des opinions de l’individu -, mais réside dans les forces de vie les plus profondes, celles sur lesquelles les traditions agissent en tant qu’énergies formatrices typiques. Le sang enregistre les effets de cette action et offre par conséquent, à travers l’hérédité, une matière déjà affinée et préformée, telle que, tout au long des générations, des réalisations semblables à celles des origines soient préparées et puissent s’y développer de manière naturelle, quasi spontanée. C’est sur cette base et sur elle seulement – que le monde traditionnel, nous le verrons, institua souvent le caractère héréditaire des castes et voulut la loi endogamique. Mais si l’on prend précisément la tradition où le régime des castes fut le plus rigoureux, à savoir dans la société indo-aryenne, le seul fait de la naissance, bien que nécessaire, n’apparaissait pas suffisant : il fallait que la qualité virtuellement conférée par la naissance fût actualisée par l’initiation, et nous avons déjà rappelé que le Mânavadharmaçâstra en arrive à affirmer que, tant qu’il n’est pas passé par l’initiation ou « seconde naissance », l’ârya lui-même n’est pas supérieur au çûdra ; trois différenciations spéciales du feu divin servaient d’âme aux trois pishtra iraniens hiérarchiquement les plus élevés, l’appartenance définitive à ces pishtra étant pareillement sanctionnée par l’initiation ; etc. Ainsi, dans ces cas également il ne faut pas perdre de vue la dualité des facteurs, il ne faut jamais confondre l’élément formateur avec l’élément formé, la condition avec le conditionné. Les castes supérieures et les aristocraties traditionnelles, et, plus généralement, les civilisations et les races supérieures (celles qui, par rapport aux autres races, se tiennent dans la même position que les castes consacrées face aux castes plébéiennes, aux « fils de la Terre »), ne s’expliquent pas par le sang, mais à travers le sang, grâce à quelque chose qui va au-delà du sang et qui présente un caractère métabiologique.

Et lorsque ce « quelque chose », est vraiment puissant, lorsqu’il constitue le noyau le plus profond et le plus solide d’une société traditionnelle, alors une civilisation peut se maintenir et se réaffirmer même face à des mélanges et altérations typiques, pourvu que ceux-ci n’aient pas un caractère ouvertement destructeur. Il peut même y avoir réaction sur des éléments hétérogènes, ceux-ci étant formés, réduits peu à peu au type propre ou re-greffés à titre, pour ainsi dire, de nouvelle unité explosive. Des exemples de ce genre ne manquent pas dans les temps historiques : Chine, Grèce, Rome, Islam. Le déclin d’une civilisation ne commence que lorsque sa racine génératrice d’en haut n’est plus vivante, que lorsque sa « race de l’esprit » est prostrée ou brisée – parallèlement à sa sécularisation et à son humanisation**. Quand elle est réduite à cela les seules forces sur lesquelles peut encore compter une civilisation, sont celles d’un sang qui porte en soi ataviquement, par race et instinct, l’écho et l’empreinte de l’élément supérieur désormais disparu. Ce n’est que dans cette optique que la thèse « raciste » de la défense de la pureté du sang peut avoir une raison d’être – sinon pour empêcher, du moins pour retarder l’issue fatale du procès de dégénérescence. Mais prévenir vraiment cette issue est impossible sans un réveil intérieur. »

Julius Evola, « Révolte contre le monde moderne », Vie et mort des civilisations.

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* Sur l’idée intégrale de la race et sur les relations entre race du corps, race de l’âme et race de l’esprit, cf. notre ouvrage « Synthèse de doctrine de la race ».
** On peut ici prendre en considération la thèse de A.J. Toynbee (A Study of History, 1941), selon laquelle, à de rares exceptions près, il n’y a pas de civilisations qui ont été tuées, mais seulement des civilisations qui se sont suicidées. Partout où la force intérieure subsiste et n’abdique pas, difficultés, dangers, environnement hostile, agressions et même invasions finissent par servir de stimulus, de défi qui oblige cette force à réagir de manière créatrice. Toynbee n’hésite pas à voir la, en règle générale, la condition de l’affirmation et du développement des cultures.

La responsabilité

« Nous avons dénoncé la décadence de la femme moderne ; mais il ne faut pas oublier que le premier responsable de cette décadence, c’est l’homme. De même que la plèbe n’aurait jamais pu se répandre dans tous les domaines de la vie sociale et de la civilisation s’il y avait eu de vrais rois et de vrais aristocrates, ainsi dans une société gouvernée par des hommes vraiment virils, jamais la femme n’aurait voulu ni pu emprunter la voie sur laquelle elle chemine de nos jours. Les périodes où la femme a accédé à l’autonomie, où elle a exercé un rôle prédominant, ont toujours coïncider, dans les cultures antiques, avec des époques d’incontestable décadence. Aussi la vraie réaction contre le féminisme et contre toute autre déviation féminine ne devrait-elle pas s’en prendre à la femme, mais à l’homme. On ne peut pas demander à la femme de revenir à ce qu’elle fut, au point de rétablir les conditions intérieures et extérieures nécessaires à la renaissance d’une race supérieure, si l’homme ne connaît plus qu’un simulacre de virilité. »

Julius Evola, Révolte contre le monde moderne, « Le déclin des races supérieures ».

Le principe

Pour comprendre aussi bien l’esprit traditionnel que la civilisation moderne en tant que négation du premier, il faut partir d’un point fondamental : la doctrine des deux natures.

Il y a un ordre physique et il y a un ordre métaphysique. Il y a la nature mortelle et il y a la nature des immortels. Il y a la région supérieure de « l’être » et il y a la région inférieure du « devenir ». Plus généralement : il y a ce qui est visible et tangible et, avant tout cela, il y a ce qui n’est ni tangible ni visible en tant que supramonde, principe et vie véritable.

Cette connaissance a été présente partout et toujours dans le monde de la Tradition, en Orient ou en Occident, sous une forme ou sous une autre : comme un axe inébranlable auquel tout le reste était ordonné.

Nous disons connaissance, et non « théorie ». Si difficilement concevable que cela soit pour les modernes, il faut partir de l’idée que l’homme traditionnel connaissait la réalité d’un ordre de l’être bien plus vaste que ce à quoi correspond aujourd’hui, en règle générale, le mot « réel ». De nos jours, au fond, on entend seulement par « réalité » le monde des corps dans l’espace et dans le temps. Certes, d’aucuns admettent encore l’existence de quelque chose au-delà du sensible : mais puisque c’est toujours à titre d’hypothèse ou de loi scientifique, en fonction d’une idée spéculative ou d’un dogme religieux, qu’on admet l’existence de ce quelque chose, on ne dépasse pas de manière effective la limitation indiquée plus haut : pratiquement, à savoir dans l’ordre de l’expérience directe, quelle que soit la variété de ses croyances « matérialistes » et « spiritualistes », l’homme moderne normal ne se forme son image de la réalité qu’en fonction du monde des corps.

Tel est le vrai matérialisme qu’il faut reprocher aux modernes : leurs autres matérialismes, au sens d’opinions philosophiques ou scientifiques, sont des phénomènes secondaires. En ce qui concerne le premier matérialisme, il n’est donc pas question d’une opinion ou d’une « théorie », mais de l’état de fait propre à un type humain dont l’expérience ne sait plus saisir que des choses corporelles. C’est pourquoi la grande majorité des révoltes intellectuelles contemporaines contre les vues « matérialistes » relèvent des vaines réactions contre les effets ultimes et périphériques de causes reculées et profondes qui se sont établies il y a fort longtemps, et dans un domaine tout à fait différent des « théories ».

L’expérience de l’homme traditionnel, comme on peut l’observer aujourd’hui encore, à titre de résidu, chez certaines populations dites « primitives », allait très au-delà d’une telle limite. L’ « invisible » y figurait comme un facteur tout aussi réelet même plus réel, que les données des sens physiques. Et chaque catégorie de la vie, aussi bien individuelle que collective, en tenait compte.

Si ce qu’on appelle aujourd’hui réalité n’était donc, pour le monde de la Tradition, qu’une espèce rentrant dans un genre bien plus vaste, ce monde n’identifiait pas pour autant, sans moyen terme, l’invisible au « surnaturel ». A la notion de « nature » ne correspondait pas seulement, pour la Tradition, le monde des corps et des formes visibles sur lequel s’est concentrée la science sécularisée des modernes, mais aussi, et essentiellement, une partie de la réalité invisible elle-même. Le sentiment était très fort d’un monde « infernal »* peuplé de toute une variété de forces obscures et ambiguës – âme démonique de la nature, substrat essentiel de toutes les formes et énergies de celle-ci -, à l’opposé duquel brillait la clarté surnaturelle et sidérale d’une région plus haute. En outre, dans la « nature » rentrait traditionnellement tout ce qui est seulement humain, l’humain n’échappant pas au destin marqué par la naissance et la mort, non plus qu’à l’impermanence, la dépendance et l’altération propres à la région inférieure. Par définition, l’ordre de « ce-qui-est » ne saurait entretenir de relation avec des états humains, des conditions humaines ou temporelles : « la race des hommes est une chose, la race des dieux en est une autre » – nonobstant le fait qu’on concevait que la référence à l’ordre supérieur supramondain pût orienter l’intégration et la purification de l’humain dans le non humain, lesquelles, nous le verrons, constituaient l’essence et la fin ultime de toute civilisation authentiquement traditionnelle.

Monde de l’être et monde du devenir – des choses, des démons et des hommes. Du reste, toute représentation hypostatique – astrale, mythologique, théologique ou religieuse – de ces deux régions, renvoyait l’homme traditionnel à deux états, avait valeur de symbole à résoudre dans une expérience intérieure ou dans le pressentiment d’une expérience intérieure. Ainsi dans la tradition hindoue, et spécialement dans le bouddhisme, l’idée du samsâra – le « courant » qui domine et transporte toutes les formes du monde inférieur – est-elle étroitement associée à une vision de la condition humaine comme désir aveugle, identification Irrationnelle. De même, l’hellénisme personnifia souvent dans la « nature » l’éternelle « privation » de ce qui, pour avoir hors de soi son principe et son acte propres, coule et se fuit indéfiniment, et dont le devenir accuse précisément un abandon originel et radical, un manque perpetuel de limite.** Dans ces traditions, la « matière » et le devenir expriment ce qui, dans un être, est indétermination incoercible ou nécessité obscure, impuissance à s’accomplir dans une forme parfaite, à se posséder dans une loi  : ?nahka?on et ?peiron, disaient les Grecs ; adharma, disaient les Orientaux. Et la scolastique exprima des idées analogues en reconnaissant dans la cupiditas et l’appetitus innatus la racine de toute nature non rachetée. D’une manière ou d’une autre, l’homme de la Tradition decouvrit donc dans l’expérience de l’identification désirante qui, enténèbre et altère l’être, le secret de cette situation, le devenir incessant, l’instabilité et la contingence perpétuelles de la région inférieure apparaissent comme une matérialisation cosmico-symbolique de cette situation.

A l’opposé, dans le fait de s’appartenir et de se donner une forme dans Ia possession en soi du principe d’une vie non plus dispersée, ne se precipitant plus çà et là en quête de l’autre ou des autres pour se completer et pour se justifier, non plus brisée par la nécessité et par la pulsion irrationnelle tournée vers l’extérieur et le différent – en un mot dans l’expénence de l’ascèse, on reconnut la voie pour comprendre l’autre région, Ie monde de l’« être », de ce qui n’est plus physique mais métaphysique – « nature intellectuelle privée de sommeil », et dont les symboles solaires, les regions ouraniennes, les êtres de lumière ou de feu, les îles et les hauteurs montagneuses furent traditionnellement les images.

Telles sont les « deux natures ». Et l’on conçut une naissance selon l’une et une naissance selon l’autre nature, et le passage de l’une à l’autre naIssance, car iI fut dit : « Un homme est un dieu mortel, et un dieu un homme Immortel ». ***

Le monde traditionnel connut ces deux grands pôles de l’existence et les voies qui mènent de l’un à l’autre. Au-delà du monde, dans la totalité de ces formes aussi bien visibles que souterraines, aussi bien humaines qu’infra-humaines, démoniques, il connut donc un « supramonde », le monde représentant une « chute » par rapport au supramonde, et celui-ci une « libération » par rapport au monde. Il connut la, spitirualité comme ce qui se tient par-delà la vie et la mort. Il sut que l’existence extérieure, la « vie », n’est rien si elle n’est pas rapprochement du supramonde, du « plus-que-vivre », si sa fin la plus haute n’est pas la participation au supramonde et une libération active du lien humain. Il sut que fausse est toute autorité, injuste et violente toute loi, vaine et éphémère toute institution, si ces autorités, ces lois et ces institutions ne sont pas ordonnées au principe supérieur de l’Etre – par le haut et vers le haut.

Le monde traditionnel connut la Royauté Divine. Il connut l’acte de passage – l’Initiation ; les deux grandes voies du rapprochement l’Action héroïque et la Contemplation ; la médiation – le Rite et la Fidélité ; le grand soutien : la Loi traditionnelle, la Caste ; le symbole terrestre : l’Empire.

Tels sont les fondements de la hiérarchie et de la civilisation traditionnelles, intégralement détruites par la triomphante civilisation « humaine» des modernes.

Julius Evola, « Révolte contre le monde moderne ».

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* « lnfero » dans Ie texte : cet adjectif, qui dérive du latin inferus, n’a pas d’équivalent exact en français. Il ne saurait être traduit fidèlement ni par « inférieur », ni par« infernal ». Sa racine indique la disposition basse et enterrée de certains lieux ; son sens dérivé renvoie à des réalités (pensées, impulsions, manœuvres, etc.) troubles, insidieuses, obliques, néfastes. On a choisi de rendre infero par « inférieur » ou par « infernal » selon le contexte [N.D.T.].
** Expressions caractéristiquces chez Plotin Ennéades, I, viii, 4-7 ; II, xxi, 5-8 ; . VI, vi, 1 ; II, ix, 4. Cf. Plutarque, Isis et Osiris, 56.
*** Cf. Héraclite (éd. Diels, fragment 62) ; Corpus Hermeticum, XII, 1.

Appendice sur l’âge sombre

Concernant ce que nous avons dit sur l’actualité de ce qui fut appelé, dans les anciennes traditions l’âge sombre (Kâlî-yuga), il sera intéressant de reproduire quelques extraits du Vishnu-purâna décrivant par avance les caractéristiques de cet âge. Nous nous contenterons d’accorder la terminologie de ce texte avec celle de notre époque.

« Des races de serfs, de hors-caste et de barbares se rendront maîtres des rives de l’indus, du Dârvika, du Shandrabhâgâ et du Cachemire (…). Les chefs [de cette ère] qui règneront [alors] sur la terre, comme des natures violentes (…) s’empareront des biens de leurs sujets. Limités dans leur puissance, la plupart d’entre eux s’élèveront et seront précipités rapidement. Brève sera leur vie, insatiables leurs désirs, et ils seront sans pitié. En se mêlant à eux, les peuples des différents pays suivront leur exemple. »

« La caste dominante sera celle des serfs. » « Les possédants [vaishya] abandonneront agriculture et commerce et tireront de quoi vivre en devenant des serfs ou en exerçant des profession mécaniques [prolétarisation et industrialisation]. »

« Au lieu de protéger leurs sujets, les chefs les dépouilleront et, sous des prétextes fiscaux, voleront les propriétés de la caste des marchands [crise du capitalisme et de la propriété privée ; socialisation, nationalisation et communisme]. »

« La santé [intérieure] et la loi [conforme à la nature propre : svadharma] diminueront de jour en jour jusqu’à ce que le monde soit entièrement perverti. Seuls les biens conféreront le rang [la quantité de dollars – les classes économiques]. Le seul mobile de la dévotion sera la santé [physique], le seul lien entre les sexes sera le plaisir, la seule voie de succès dans les compétions sera la fausseté. »

« La terre ne sera appréciée que pour ses trésors minéraux [exploitation à outrance du sol, mort de la religion de la terre]. »

« Les vêtements sacerdotaux prendront la place de la qualité de prêtre. »

« La faiblesse sera la seule cause de la dépendance [lâcheté, mort de la fides et de l’honneur dans les formes politiques modernes]. »

« Une simple ablution [privée de la force du vrai rite] voudra dire purification [la prétention salvatrice des sacrements vaut-elle plus que cela aujourd’hui ?]. »

« La race sera incapable de produire des naissances divines. »

« Egarés par des impies, les hommes demanderont : quelle autorité ont les textes traditionnels ? Que sont ces dieux, qu’est ce que la surhumanité spirituelle [brâhmana] ? »

« Le respect des castes, de l’ordre et des institutions [traditionnelles] disparaîtra pendant l’âge sombre. »

« Durant cet âge, les mariages cesseront d’être un rite et les normes qui lient un disciple à un maître spirituel n’auront plus de force. On pensera que n’importe qui peut, n’importe comment, atteindre l’état de deux-fois-né [a démocratie appliquée à la spiritualité] ; les actes de dévotions qui pourront encore être exécutés n’auront aucun effet [cela renvoie à une religion « humanisée » et conformiste]. »

« Le mode de vie sera le même pour tous, au sein d’une promiscuité générale. »

« Ceux qui distribueront le plus d’argent domineront les hommes et la descendance cessera d’être un titre accordant la préséance [fin de la noblesse traditionnelle, bourgeoisie, ploutocratie]. »

« Les hommes concentreront leur intérêt sur l’acquisition, même malhonnête, de la richesse. »

« N’importe qui s’imaginera être l’égal d’un brahmane [prévarication et prétentions des intellectuels et de la culture modernes]. »

« Les gens auront tout simplement peur de la mort et l’indigence sera source d’effroi ; ce n’est que pour cela que subsistera [une apparence de] ciel [sens des résidus religieux propres aux masses modernes]. »

« Les femmes n’obéiront plus à leurs maris et à leurs parents. Elles seront égoïstes, abjectes, désaxées, menteuses – et elles s’attacheront à des dissolus. »

« Elles deviendront simplement un objet de satisfaction sexuelle. »

« L’impiété prévaudra parmi les hommes trompés par l’hérésie et la durée de leur vie sera de ce fait plus brève. »

Le même Vishnu-purâna fait toutefois allusion, à des éléments de la race primordiale, ou « race de manu », restés ici-bas durant l’âge sombre pour être la semence de générations nouvelles ; et l’on voit revenir l’idée bien connue d’une nouvelle manifestation finale du Ciel.

« Lorsque les rites enseignés par les textes traditionnels et lorsque les institutions établies par la loi seront sur le point de disparaître, lorsque le terme de l’âge sombre sera proche, une partie de l’être divin existant par sa propre nature spirituelle selon le caractère du Brahman, qui est le Commencement et la Fin (…) descendra sur la terre (…). Sur la terre il rétablira la justice ; et l’esprit de ceux qui seront vivants à la fin de l’âge sombre s’éveillera et deviendra d’une transparence cristalline. Les hommes ainsi changés en vertu de cette époque spéciale constitueront une semence d’être humains [nouveaux] et donneront naissance à une race qui suivra les lois de l’âge primordial [kritâ-yuga]. »

Le même précise que la race où « naîtra » ce principe divin est la race de Shambala : mais Shambala – on s’en souvient – renvoie à la métaphysique du « Centre » et du « Pôle », au mystère hyperboréen et aux forces de la tradition primordiale.

Julius Evola, « Révolte contre le monde moderne ».