L’appel de l’être

« C’est l’appel seul de l’être qui installe l’homme dans son être. C’est uniquement dans et par la dispensation de l’être que nous sommes « en destin » et, comme êtres en destin, tenus de trouver notre destinée, c’est-à-dire qu’en même temps nous sommes toujours aux prises avec la possibilité de la manquer. »

Martin Heidegger, « De la physis à la raison pure », in « Le principe de raison », Tel Gallimard.

Les plumes de l’aigle

« On m’a quelquefois reproché de ne peindre que des hommes ayant des ailes d’aigles, des griffes de lions, des sortes de géants légendaires. Moi je vous reproche de peindre des hommes sans ailes, sans griffes et tout petits. Vous me faites le reproche de démesure, je vous fais le reproche d’aveuglement. Je vois mieux que vous le devenir. Et, même si je le vois mal, et même si je me trompe, j’ai au moins le mérite de faire confiance à la grandeur des hommes, de les pousser à obéir au contrat mystique qui les attache au monde, de les lancer vers la vie épique avec ce que vous appelez « leurs seuls pauvres petits bras » mais sur lesquels le vent héroïque fera pousser les plumes de l’aigle. »

Jean Giono, « Les vraies richesses », 1937.

L’Olympe vivant

« Tu devrais succomber, désespérer, mais l’esprit te sauvera. Nul laurier, nulle couronne de myrte ne te consolera ; mais l’Olympe, l’Olympe vivant, présent, dont l’éternelle jeunesse fleurit autour de toi. Le monde en sa beauté est mon Olympe ; c’est en lui que tu vivras ; c’est avec les créatures sacrées de ce monde, avec les Dieux de la Nature, que tu retrouveras la joie. »

Friedrich Hölderlin, « Hypérion ou l’ermite de Grèce ».

Individualisme

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« Idéologie et tendance culturelle qui affirment la prévalence de l’individu et de ses intérêts sur son groupe d’appartenance.

Cette notion est ambiguë. Car il existe un individualisme positif, celui des traditions helléniques, celtique et germanique, et un individualisme négatif (qui est l’exagération tragique du premier), celui de la mentalité bourgeoise, négatrice de la solidarité avec sa communauté ou son peuple. Il est partiellement issu des religions du salut individuel (sôtériologies) où l’homme atomisé est placé seul face à Dieu, sans intermédiaire.

L’individualisme positif, typiquement européen, est lié à la notion de liberté et de responsabilité et ne remet pas en cause le patriotisme et l’esprit de sacrifice. C’est l’individualisme des personnalités créatrices, des artisans et des aristocrates. L’individualisme négatif et passif de la société marchande et consumériste rime au contraire avec la massification et la domestication de l’individu isolé. C’est l’individualisme des masses conditionnées où les hommes ne sont plus que des atomes consommateurs, détachés de la communauté du peuple. Il est donc nécessaire de distinguer l’individualisme aristocratique de l’individualisme bourgeois. Ce dernier est narcissique et nihiliste, il est la porte ouverte à tous les esclavages, toutes les robotisations, sous le couvert de l’émancipation. En dépit de son apparence et de ses simulacres, le socialisme de gauche comme la société marchande ont toujours flatté un individualisme de la déresponsabilité et de l’assistance, qui renie les solidarités et débouche sur des réflexes corporatistes et égoïstes.

L’individualisme contemporain suit le paradoxe suivant : il exalte le narcissisme individuel mais opprime à long terme l’individu en l’isolant de ses solidarités naturelles. L’individualisme est positif si, au sein de la communauté-du-peuple, il sait mettre en valeur les personnalités créatrices. »

Guillaume Faye, « Pourquoi nous combattons, Manifeste de la Résistance européenne ».

En faveur de la critique

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« En faveur de la critique. – Quelque chose que tu as aimé autrefois comme une vérité ou une vraisemblance t’apparaît aujourd’hui comme une erreur : tu le repousses loin de toi et t’imagines que ta raison a remporté en cela une victoire. Mais peut-être cette erreur te fut-elle alors, quand tu étais encore un autre – tu es toujours un autre – aussi nécessaire que tes « vérités » d’à présent, comme une sorte de peau qui te dissimulait et te cachait bien des choses que tu n’avais pas encore le droit de voir. C’est ta nouvelle vie qui a tué pour toi cette opinion, non pas ta raison : tu n’en as plus besoin, et désormais elle s’effondre sur elle-même, et la déraison s’en échappe en rampant comme de la vermine pour apparaître au grand jour. Lorsque nous critiquons, cela n’est en rien arbitraire ni impersonnel, – c’est, très souvent tout au moins, une preuve qu’existent en nous des forces vivantes qui font pression et sont en train de percer une écorce. Nous nions et devons nier parce que quelque chose en nous veut vivre et s’affirmer, quelque chose que nous ne connaissons peut-être pas encore, ne voyons pas encore ! – Cela dit en faveur de la critique. »

Friedrich Nietzsche, « Le Gai Savoir », Quatrième livre, 307.