« Les poètes sont ceux des mortels qui, chantant gravement le dieu du vin, ressentent la trace des dieux enfuis, restent sur cette trace, et tracent ainsi aux mortels, leurs frères, le chemin du revirement. L’éther, cependant, en lequel seulement les dieux sont dieux, constitue leur divinité. L’élément de l’éther, ce en quoi la divinité déploie elle-même sa présence, est le sacré. L’élément de l’éther pour l’arrivée des dieux enfuis, le sacré, voilà la trace des dieux enfuis. Mais qui des mortels est capable de déceler une telle trace ? Il appartient aux traces d’être souvent inapparentes, et elles sont toujours le legs d’une assignation à peine ressentie. Être poète en temps de détresse, c’est alors : chantant, être attentif à la trace des dieux enfuis. Voilà pourquoi, dans la langue de Hölderlin, la nuit du monde est la « nuit sacrée ». »

Martin Heidegger, « Pourquoi des poètes ? », in « Chemins qui ne mènent nulle part », Tel Gallimard 2006, pp. 326-327.

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