« […] Pour la saga, l’homme est en grande partie responsable de son destin, je dirai même maître de son destin. On possède de cela d’innombrables illustrations, la plus tragique étant celle de Gísli le proscrit (« Gísla saga Súrssonar »), la plus touchante, celle d’Audunn des fjords de l’ouest (« Audunar tháttr vestfirzka »). L’homme des sagas n’a pas choisi d’être tel qu’il est, mais il lui appartient : d’admettre ce qu’il est, de l’accepter, de l’assumer. Dans cette série de verbes tient toute la grandeur épique des sagas. Notion grandiose, et d’un caractère tragique éminent. Ce qui fait la grandeur de l’homme, ce n’est pas une révolte, vaine, contre le destin : c’est de le prendre à son compte, de s’en faire l’artisan lucide, volontaire, conscient. Alors, les perspectives se renversent : il n’y a plus de victime de la fatalité. Bien avant Spinoza, les anciens Islandais savaient que la liberté est consentement à un ordre. Rien d’écrasé, d’implorant ni de tremblant dans leur attitude. Plutôt une grande volonté de se connaître, de s’accepter, puis de s’accomplir. »

Régis Boyer, « Mœurs et psychologie des anciens Islandais », I – Conception du destin, p. 18, éditions du Porte-Glaive, 1987.

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