« Eyjólfr déclare qu’auparavant, il veut aller voir Audr. Ils arrivent à la ferme, entrent et, encore une fois, Eyjólfr se met à converser avec Audr. Il prend la parole en ces termes : « Je voudrais faire un marché avec toi, Audr, dit-il. Je voudrais que tu me dises où est Gísli et je te donnerai trois cents d’argent, ceux-là mêmes que j’ai reçus pour avoir sa tête. Quand nous le tuerons tu ne seras pas présente. S’ensuivra également que je te remarierai et te trouverai un parti bien meilleur que celui-ci. Tu peux encore considérer, dit-il, quel désavantage c’est pour toi que de rester dans ce fjord désolé, de subir tel sort à cause de la mauvaise chance de Gísli et de ne jamais voir tes parents et relations. » Elle répond : « Ça m’étonnerait beaucoup, dit-elle, que tu me trouves un parti qui me paraisse valoir l’actuel. Pourtant, c’est vrai, ce que l’on dit, que l’argent est la meilleure des choses après la mort. Fais-moi voir si cet argent est aussi abondant et aussi beau que tu me le dis. » Il pose l’argent sur ses genoux, elle plonge la main dedans, et il le compte et le lui montre. Gudrídr, sa fille adoptive, se met à pleurer.
Ensuite, Gudrídr sort et va trouver Gísli et lui dit : « Ma mère adoptive vient de devenir folle. Elle veut te trahir. » Gísli dit : « Ne t’afflige pas, car ce ne seront pas les tromperies d’Audr qui seront causes de ma mort », et il déclama une vísa :
« On me dit que ma femme
Avec grande scélératesse
Se prépare
À trahir son mari.
Mais je sais
Qu’elle se tient assise et pleure.
Je ne crois pas
Qu’il soit vrai qu’elle fasse cela. »
Après cela, la jeune fille revient à la maison et ne dit pas où elle est allée. Eyjólfr vient alors de terminer de compter l’argent, et Audr dit : « En aucune façon, l’argent n’est ni moins abondant ni moins bon que ce que tu m’en as dit. Et tu admettras que j’aie le droit d’en faire ce que bon me semble. » Eyjólfr accueille ses paroles avec satisfaction, et la prie en effet d’en faire ce qu’elle veut. Audr prend donc l’argent et le verse dans une grande bourse, puis elle se lève et jette la bourse avec l’argent dedans sur le nez d’Eyjólfr, si bien que le sang jaillit, et elle dit : « Reçois donc cela pour ta crédulité, et tout le mal avec. Il n’y avait aucun espoir que je te livre mon mari, à toi, mauvais homme. Reçois cela, et reçois avec honte et couardise à la fois. Tant que tu vivras, misérable, tu te rappelleras qu’une femme t’a châtié. » »
« Saga de Gísli Súrsson »