« Né le 8 février 1892 à Offenburg dans la région du Taunus, l’anthropologue Ludwig
Ferdinand Clauss est rapidement devenu l’un des raciologues et des islamologues les plus réputés de l’entre-deux-guerres, cumulant dans son œuvre une approche spirituelle et caractérielle des
diverses composantes raciales de la population européenne, d’une part, et une étude approfondie de la psyché bédouine, après de longs séjours au sein des tribus de la Transjordanie. L’originalité
de sa méthode d’investigation raciologique a été de renoncer à tous les zoologismes des théories raciales conventionnelles, nées dans la foulée du darwinisme, où l’homme est simplement un animal
plus évolué que les autres. Clauss renonce aux comparaisons trop faciles entre l’homme et l’animal et focalise ses recherches sur les expressions du visage et du corps qui sont spécifiquement
humaines ainsi que sur l’âme et le caractère.


Il exploite donc les différents aspects de la phénoménologie pour élaborer une
raciologie psychologisante (ou une « psycho-raciologie ») qui conduit à comprendre l’autre sans jamais le haïr. Dans une telle optique, admettre la différence, insurmontable et incontournable, de
l’Autre, c’est accepter la pluralité des données humaines, la variété des façons d’être-homme, et refuser toute logique d’homologation et de centralisation coercitive.


Ludwig Ferdinand Clauss était un disciple du grand philosophe et phénoménologue
Edmund Husserl. Il a également été influencé par Ewald Banse (1883-1953), un géographe qui avait étudié avant lui les impacts du paysage sur la psychologie, de l’écologie sur le
mental. Ses théories cadraient mal avec celles, biologisantes, du national-socialisme. Les adversaires de Clauss considéraient qu’il réhabilitait le dualisme corps – âme, cher aux doctrines
religieuses chrétiennes, parce que, contrairement aux darwiniens stricto sensu, il considérait que les dimensions psychiques et spirituelles de l’homme appartenaient à un niveau différent de
celui de leurs caractéristiques corporelles, somatiques et biologiques. Clauss, en effet, démontrait que les corps, donc les traits raciaux, étaient le mode et le terrain d’expression d’une
réalité spirituelle – psychique. En dernière instance, ce sont donc l’esprit (Geist)  et l’âme (Seele)  qui donnent forme au corps et sont primordiaux. D’après les
théories post-phénoménologiques de Clauss, une race qui nous est étrangère, différente, doit être évaluée, non pas au départ de son extériorité corporelle, de ses traits raciaux somatiques, mais
de son intériorité psychique. L’anthropologue doit dès lors vivre dans l’environnement naturel et immédiat de la race qu’il étudie. Raison pour laquelle Clauss, influencé par l’air du temps en
Allemagne, commence par étudier l’élément nordique de la population allemande dans son propre biotope, constatant que cette composante ethnique germano-scandinave est une “race tendue vers
l’action” concrète, avec un élan froid et un souci des résultats tangibles. Le milieu géographique premier de la race nordique est la Forêt (hercynienne), qui recouvrait l’Europe centrale dans la
proto-histoire.


La Grande Forêt hercynienne a marqué les Européens de souche nordique comme le
désert a marqué les Arabes et les Bédouins. La trace littéraire la plus significative qui atteste de cette nostalgie de la Forêt primordiale chez les Germains se trouve dans le premier livre
évoquant le récit de l’Evangile en langue germanique, rédigé sous l’ordre de Louis le Pieux. Cet ouvrage, intitulé le Heliand (= Le Sauveur), conte, sur un mode épique très prisé des
Germains de l’antiquité tardive et du haut moyen âge, les épisodes de la vie de Jésus, qui y a non pas les traits d’un prophète proche-oriental mais ceux d’un sage itinérant doté de qualités
guerrières et d’un charisme lumineux, capable d’entraîner dans son sillage une phalange de disciples solides et vigoureux. Pour traduire les passages relatifs à la retraite de quarante jours que
fit Jésus dans le désert, le traducteur du haut moyen âge ne parle pas du désert en utilisant un vocable germanique qui traduirait et désignerait une vaste étendue de sable et de roches, désolée
et infertile, sans végétation ni ombre. Il écrit sinweldi, ce qui signifie la « forêt sans fin », touffue et impénétrable, couverte d’une grande variété d’essences, abritant d’innombrables
formes de vie. Ainsi, pour méditer, pour se retrouver seul, face à Dieu, face à la virginité inconditionnée des éléments, le Germain retourne, non pas au désert, qu’il ne connaît pas, mais à la
grande forêt primordiale. La forêt est protectrice et en sortir équivaut à retourner dans un “espace non protégé” (voir la légende du noble saxon Robin des Bois et la fascination qu’elle continue
à exercer sur l’imaginaire des enfants et des adolescents).


 



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L’idée de forêt protectrice est fondamentalement différente de celle du désert qui
donne accès à l’Absolu : elle implique une vision du monde plus plurielle, vénérant une assez grande multiplicité de formes de vie végétale et animale, coordonnée en un tout organique, englobant
et protecteur.


L’homo europeus ou germanicus n’a toutefois pas eu le temps de
forger et de codifier une spiritualité complète et absolue de la forêt et, aujourd’hui, lui qui ne connaît pas le désert de l’intérieur, au contraire du Bédouin et de l’Arabe, n’a plus de forêt
pour entrer en contact avec l’Inconditionné. Et quand Ernst Jünger parle de “recourir à la forêt”, d’adopter la démarche du Waldgänger, il formule une abstraction, une belle abstraction,
mais rien qu’une abstraction puisque la forêt n’est plus, si ce n’est dans de lointains souvenirs ataviques et refoulés. Les descendants des hommes de la forêt ont inventé la technique, la
mécanique (L. F. Clauss dit la  Mechanei), qui se veut un ersatz de la nature, un palliatif censé résoudre tous les problèmes de la vie, mais qui, finalement, n’est jamais qu’une
construction et non pas une germination, dotée d’une mémoire intérieure (d’un code génétique). Leurs ancêtres, les Croisés retranchés dans le krak des Chevaliers, avaient fléchi devant le désert
et devant son implacabilité. Preuve que les psychés humaines ne sont pas transposables arbitrairement, qu’un homme de la Forêt ne devient pas un homme du Désert et vice-versa, au gré de ses
pérégrinations sur la surface de la Terre.


A terme, la spiritualité du Bédouin développe un “style prophétique”
(Offenbarungsstil), parfaitement adapté au paysage désertique, et à la notion d’absolu qu’il éveille en l’âme, mais qui n’est pas exportable dans d’autres territoires. Le télescopage
entre ce prophétisme d’origine arabe, sémitique, bédouine et l’esprit européen, plus sédentaire, provoque un déséquilibre religieux, voire une certaine angoisse existentielle, exprimée dans les
diverses formes de christianisme en Europe.


 




Clauss a donc appliqué concrètement, et personnellement,sa méthode de
psycho-raciologie en allant vivre parmi les Bédouins du désert du Néguev, en se convertissant à l’Islam et en adoptant leur mode de vie. Il a tiré de cette expérience une vision intérieure de
l’arabité et une compréhension directe des bases psychologiques de l’Islam, bases qui révèlent l’origine désertique de cette religion universelle.


Sous le IIIème Reich, Clauss a tenté de faire passer sa méthodologie et sa théorie
des caractères dans les instances officielles. En vain. Il a perdu sa position à l’université parce qu’il a refusé de rompre ses relations avec son amie et collaboratrice Margarete Landé, de
confession israélite, et l’a cachée jusqu’à la fin de la guerre. Pour cette raison, les autorités israéliennes ont fait planter un arbre en son honneur à Yad Vashem en 1979. L’amitié qui liait
Clauss à Margarete Landé ne l’a toutefois pas empêché de servir fidèlement son pays en étant attaché au Département VI C 13 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt), en tant que spécialiste
du Moyen-Orient.


Après la chute du IIIème Reich, Clauss rédige plusieurs romans ayant pour thèmes le
désert et le monde arabe, remet ses travaux à jour et publie une étude très approfondie sur l’Islam, qu’il est un des rares Allemands à connaître de l’intérieur. La mystique arabe – bédouine du
désert débouche sur une adoration de l’Inconditionné, sur une soumission du croyant à cet Inconditionné. Pour le Bédouin, c’est-à-dire l’Arabe le plus authentique, l’idéal de perfection pour
l’homme, c’est de se libérer des “conditionnements” qui l’entravent dans son élan vers l’Absolu. L’homme parfait est celui qui se montre capable de dépasser ses passions, ses émotions, ses
intérêts. L’élément fondamental du divin, dans cette optique, est l’istignâ, l’absence totale de besoins. Car Dieu, qui est l’Inconditionné, n’a pas de besoins, il ne doit rien à
personne. Seule la créature est redevable : elle est responsable de façonner sa vie, reçue de Dieu, de façon à ce qu’elle plaise à Dieu. Ce travail de façonnage constant se dirige contre les
incompétences, le laisser-aller, la négligence, auxquels l’homme succombe trop souvent, perdant l’humilité et la conscience de son indigence ontologique. C’est contre ceux qui veulent persister
dans cette erreur et cette prétention que l’Islam appelle à la Jihad. Le croyant veut se soumettre à l’ordre immuable et généreux que Dieu a créé pour l’homme et doit lutter contre les
fabrications des “associateurs”, qui composent des arguments qui vont dans le sens de leurs intérêts, de leurs passions mal dominées. La domination des “associateurs” conduit au chaos et au
déclin. Réflexions importantes à l’heure où les diasporas musulmanes sont sollicitées de l’intérieur et de l’extérieur par toutes sortes de manipulateurs idéologiques et médiatiques et finissent
pas excuser ici chez les leurs ce qu’ils ne leur pardonneraient pas là-bas chez elles. Clauss a été fasciné par cette exigence éthique, incompatible avec les modes de fonctionnement de la
politicaille européenne conventionnelle. C’est sans doute ce qu’on ne lui a pas pardonné.


 




Ludwig Ferdinand Clauss meurt le 13 janvier 1974 à Huppert dans le Taunus. Considéré
par les Musulmans comme un des leurs, par les Européens enracinés comme l’homme qui a le mieux explicité les caractères des ethnies de base de l’Europe, par les Juifs comme un Juste à qui on rend
un hommage sobre et touchant en Israël, a récemment été vilipendé par des journalistes qui se piquent d’anti-fascisme à Paris, dont René Schérer, qui utilise le pseudonyme de « René Monzat ». Pour
ce Schérer-Monzat, Clauss, raciologue, aurait été tout bonnement un fanatique nazi, puisque les préoccupations d’ordre raciologique ne seraient que le fait des seuls tenants de cette idéologie,
vaincue en 1945. Schérer-Monzat s’avère l’une de ces pitoyables victimes du manichéisme et de l’inculture contemporains, où la reductio ad Hitlerum devient une manie lassante. Au
contraire, Clauss, bien davantage que tous les petits écrivaillons qui se piquent d’anti-fascisme, est le penseur du respect de l’Autre, respect qui ne peut se concrétiser qu’en replaçant cet
Autre dans son contexte primordial, qu’en allant à l’Autre en fusionnant avec son milieu originel. Edicter des fusions, brasser dans le désordre, vouloir expérimenter des mélanges impossibles,
n’est pas une preuve de respect de l’altérité des cultures qui nous sont étrangères.

 

Ali ben Tonadei

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