« Il est vrai qu’il pourrait y avoir un monde métaphysique ; la possibilité absolue en est à peine contestable. Nous regardons toutes choses avec une tête humaine et nous ne pouvons couper cette tête ; cependant la question reste toujours de dire ce qui existerait encore du monde si on l’avait néanmoins coupée. C’est là un problème purement scientifique et qui n’est pas très propre à préoccuper les hommes ; mais tout ce qu’il leur a jusqu’ici rendu les hypothèses métaphysiques, précieuses, redoutables, plaisantes, ce qui les a créées, c’est passion, erreur et duperie de soi-même ; ce sont les pires méthodes de connaissance, et non les meilleures qui ont enseigné à y croire. Dès qu’on a dévoilé ces méthodes comme le fondement de toutes le religions et métaphysiques existantes, on les a réfutées. Après cela la dite possibilité reste toujours ; mais on n’en peut rien tirer, bien loin qu’on puisse faire dépendre le bonheur, le salut et la vie, des fils d’araignée d’une pareille possibilité. – Car on ne pourrait enfin rien énoncer du monde métaphysique sinon qu’il est un être-autre, un être-autre qui nous est inaccessible, incompréhensible ; ce serait une chose à attributs négatifs. – L’existence d’un pareil monde fût-elle des mieux prouvées, il serait encore établi que sa connaissance est de toutes les connaissances la plus indifférente : plus indifférente encore que ne doit l’être au navigateur dans la tempête la connaissance de l’analyse chimique de l’eau. »

Friedrich Nietzsche, « Humain, trop humain », Des choses premières et dernières. 9.

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