31. Je vis de Baldr,
Le dieu ensanglanté,
Le fils d’Ódinn,
La destinée cachée ;
Se dressait, poussée
Plus haut que la plaine,
Grêle et très belle,
La branche de gui.

32. Sortit de cet arbre
Qui grêle semblait
Le douloureux trait funeste
Que lança Hödr
Le frère de Baldr était
Né trop tôt,
Celui-là n’avait qu’une nuit,
Le fils d’Ódinn qui le tua.

33. Ne se lava plus les mains
Ni ne peigna sa chevelure
Tant que sur le bûcher ne fut porté
L’assassin de Baldr ;
Mais Frigg pleurait
Dans Fensalir
Le malheur de la Valhöll.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

34. Alors Váli sut comment
Tresser les chaînes du combat,
Ils étaient plutôt rudes
Les liens faits d’intestins.

35. Elle vit, enchaîné
Sous Hveralundr,
Un fourbe de forme
Semblable à Loki ;
Là, siège Sigyn,
Bien que, du lot de son mari,
Elle ne soit point remplie d’allégresse.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

36. De l’est, un fleuve verse
Aux vallons venimeux
Épées et saxes :
Il s’appelle Slíd.

37. Se dressait au nord A Nidavellir
La salle d’or
Des enfants de Sindri ;
Une autre se dressait
A Ókólnir,
La salle à bière du géant
Qui s’appelle Brímir.

38. Elle vit se dresser une salle
Loin du soleil
A Náströnd,
Portes tournées au nord ;
Des gouttes de poison
Tombent par les lucarnes,
Cette salle est tressée
D’échines de serpents.

39. Elle y vit patauger
Dans des fleuves épais
Des hommes parjures
Et des loups criminels
Et celui qui d’autrui
Séduit la femme ;
Là, Nidhöggr
Suçait les cadavres des trépassés.
Le loup dépeçait les hommes.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

40. A l’est était assise la vieille
Dans la Forêt de Fer
Et y enfantait
La race de Fenrir ;
Parmi eux tous
Il y en aura un
Qui détruira le soleil
Sous la forme d’un monstre.

41. Il se gorge des chairs
Des hommes voués à la mort,
Rougit le siège des dieux
De rouge sang ;
Noir sera l’éclat du soleil
Dans les étés suivants,
Épouvantables, toutes les tempêtes.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

42. Assis là sur un tertre
En jouant de la harpe,
Le gardien de la sorcière,
Le joyeux Eggthér ;
Chantait auprès de lui
Sur le bois de la potence
Un coq vermeil
Qui s’appelait Fjalarr.

43. Chantait chez les Ases
Crête d’Or.
Il éveille les hommes
Du Père des Armées ;
Mais un autre chante
Sous terre,
Un coq d’un rouge de suie
Dans les halles de Hel.

44. Voici que Garmr aboie de rage
Devant Gnipahellir,
La chaîne va se rompre,
La bête va bondir.
Je sais maints sortilèges,
Plus loin en avant je vois
L’amère destinée
Des dieux de la victoire.

45. Les frères s’entre-battront
Et se mettront à mort,
Les parents souilleront
Leur propre couche ;
Temps rude dans le monde,
Adultère universel,
Temps des haches, temps des épées,
Les boucliers sont fendus,
Temps des tempêtes, temps des loups,
Avant que le monde s’effondre ;
Personne
N’épargnera personne.

46. S’ébattent les fils de Mímir,
Mais le destin s’embrase
A l’éclat
De Gjallarhorn.
Heimdallr souffle fort,
Cor dressé ;
Ódinn consulte
La tête de Mímir.

47. Yggdrasill tremble,
Le frêne érecte,
Gémit le vieux tronc,
Et le géant se délivre ;
Tous frémissent
Sur le chemin d’enfer
Avant que le parent
De Surtr ne l’engloutisse.

48. Qu’en est-il des Ases ?
Qu’en est-il des Alfes ?
Résonne tout Jötunheimr,
Les Ases tiennent conseil ;
Grommellent les nains
Devant les portes de roc,
Les maîtres des précipices.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

49. Voici que Garmr aboie de rage
Devant Gnipahellir,
La chaîne va se rompre,
La bête va bondir ;
Je sais maints sortilèges,
Plus loin en avant je vois
L’amère destinée
Des dieux de la victoire.

50. Hrymr arrive de l’est,
Bouclier levé,
Jórmungandr se retourne
Saisi de la fureur des géants ;
Le serpent fouette les vagues,
L’aigle miaule,
Nidfölr lacère les cadavres,
Naglfari est détaché.

51. Un bateau vient de l’est
Amenant par mer
Les enfants de Muspell,
Loki à la barre.
Les monstres voyagent
Tous avec le Loup,
A leur front s’avance
Le frère de Býleistr.

52. Surtr arrive du sud
Avec la mort des branches,
Le soleil émane
De l’épée du dieu des morts ;
Les rocs s’entrechoquent,
Les monstres s’ébranlent,
Les hommes foulent le chemin de Hel
Et le ciel se crevasse.

53. Alors arrive à Hlín
Une douleur nouvelle
Quand Ódinn se met en marche
Contre le loup,
Le brillant meurtrier de Beli,
Contre Surtr ;
Alors de Frigg
Périra l’amour.

54. Voici que Garmr aboie de rage
Devant Gnipahellir,
La chaîne va se rompre,
La bête va bondir ;
Je sais maints sortilèges,
Plus loin en avant je vois
L’amère destinée
Des dieux de la victoire.

55. Alors arrive le noble
Fils de Sigfödr (Odin),
Vidarr, pour tuer
La bête à charogne,
Du poing il enfonce
L’épée jusqu’au cœur
Du fils de Hvedrungr.
Voici que le père est vengé.

56. Alors arrive le glorieux
Fils de Hlódyn,
Le fils d’Ódinn s’en va
Tuer le serpent,
Occit en courroux
La sentinelle de Midgardr ;
Tous les hommes vont
Déserter leur demeure ;
Le fils de Fjörgyn,
Épuisé, recule
De neuf pas devant la vipère
Sans craindre la honte.

57. Le soleil s’obscurcit,
La terre sombre dans la mer,
Les luisantes étoiles
Vacillent dans le ciel ;
Ragent les fumées,
Ronflent les flammes.
Une intense ardeur
Joue jusqu’au ciel.

58. Voici que Garmr aboie de rage
Devant Gnipahellir,
La chaîne va se rompre,
La bête va bondir.
Je sais maints sortilèges,
Plus loin en avant je vois
L’amère destinée
Des dieux de la victoire.

59. Elle voit émerger
Une seconde fois
Une terre de l’onde,
Éternellement verte ;
Coulent les cascades,
Au-dessus plane l’aigle
Qui dans les montagnes
Pourchasse les poissons.

60. Les Ases se rassemblent
Dans Ídavöllr,
Du Serpent puissant
S’entretiennent,
Se remémorent
Les grands événements
Et les runes anciennes
De Fimbultýr (Odin).

61. Là, vont se retrouver
Dans la verdure
Les merveilleuses
Tables d’or
Qu’aux jours d’autrefois
Possédaient les peuples.

62. Sur les champs non ensemencés
Croîtront les récoltes,
Tous maux seront réparés,
Baldr va revenir ;
Hödr et Baldr habiteront
Les lieux de victoire de Hroptr (Odin),
Seigneur du séjour des morts.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

63. Hœnir sait
Choisir le rameau fatidique
Et les fils des deux frères
Bâtissent
Dans le vaste séjour des vents.
En savez-vous davantage ? – ou quoi ?

64. Elle voit une salle se dresser
Plus belle que le soleil,
Couverte d’or,
A Gimlé :
C’est là que les fidèles
Troupes vont habiter
Et pour l’éternité
Jouiront du bonheur.

65. Alors arrive d’en haut
Au dernier jugement,
Le puissant, le magnifique,
Celui qui tout gouverne.

66. Arrive en volant
Le sombre dragon,
La vipère étincelante, descendue
De Nidafjöll ;
Il porte en son plumage
– Plane par-dessus la plaine –
Des cadavres, Nidhöggr.
A présent, elle va disparaître.

———————–
Partie I
– Texte issu de l’Edda poétique, traduction de Régis Boyer.

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