L’Eveil de la glèbe est paru en Norvège en 1917. Isak et Inger, prototypes de l’humanité, se rencontrent sur une lande
désertée. Le domaine de Sellanraa, c’est le jardin d’Eden après la Chute. L’homme, Isak, y travaille inlassablement. Autour de lui, l’infanticide, le mensonge, la jalousie, la concupiscence, la
cupidité, le progrès sont autant de tentations auxquelles succombent tour à tour sa femme, ses enfants, ses proches et ses ennemis. Isak, rivé à sa terre, n’a qu’un but : défricher. C’est à
partir de cette métaphore que Knut Hamsun construit un roman de la rédemption, animé d’ailleurs d’un véritable souffle biblique.

L’Eveil de la glèbe est aussi un formidable portrait de femme, Inger est à la fois la raison de vivre d’Isak et ce
qui le menace radicalement. Inger est un principe d’épreuve : il lui faut vivre toutes les vies possibles avant de revenir vers celui qui n’aura pas changé.

« Inger a été sur la mer, elle a vécu à la ville : elle est chez elle à présent. Le monde est vaste, fourmillant de
créatures, Inger n’est, dans ce fourmillement, qu’une créature humaine parmi d’autres, innombrables. Voici le soir ! »

*  *  *

Voici l’histoire d’Adam et Ève. Mais une histoire racontée bien après la Chute. Et dans un jardin d’Eden revisité qui
ressemblerait fort aux landes désertiques de la Norvège. Le domaine de Sellanraa, pour être précis. Lui s’appelle Isak. Elle, Inger. Autour d’eux l’infanticide, le mensonge, la concupiscence, la
cupidité ou encore ce que l’on pourrait résumer par ce mot terrible pour Knut Hamsun, synonyme de toutes les turpitudes du monde en général et de notre siècle en particulier : le progrès. A
partir de cette métaphore, le romancier a construit un grand roman, exemplaire de son art et de ses obsessions, sur le thème de la rédemption, et animé d’un puissant souffle biblique. L’Eveil de
la glèbe parut en 1917. A cette date, le progrès se déclinait encore partout en Europe dans les affres de la Première Guerre mondiale. Depuis 1890 et la parution de La Faim, Knut Hamsun était
devenu une célébrité. Trois ans après L’Eveil de la glèbe, l’écrivain norvégien, fils de paysans et autodidacte, recevait le prix Nobel.

*  *  *

C’est aussi à 50 ans, en 1909, que Hamsun se marie pour la seconde fois – un premier mariage avait échoué – avec Marie Andersen,
de 24 ans sa cadette, qui lui donnera de nombreux enfants et demeurera à ses côtés jusqu’à son dernier souffle. La vagabond devient sédentaire, redevient paysan (Hamsun achète plusieurs fermes,
avant de se fixer définitivement à Nörholm), retrouve sa glèbe et s’y raccroche. L’événement biographique se répercute dans l’oeuvre et l’innocence anarchique se dépouille de ses excès et pose
son « idéal », celui qu’incarne Isak. La trame de « L’Eveil de la Glèbe », c’est la conjugaison du passé vagabond et de la réimbrication dans un terroir, la dialectique entre l’individualité errante
et l’individualité qui fonde une communauté, entre l’individualité qui se laisse séduire par les chimères urbaines et modernes, par les artifices idéologiques et désincarnés, et l’individualité
qui accomplit sa tâche, imperturbablement, sans quitter la Terre des yeux. La puissance de ces paradoxes, de ces oppositions, vaut à Hamsun le Prix Nobel de Littérature. « L’Eveil de la Glèbe »,
avec son personnage central, le paysan Isak, constitue l’apothéose de la prose hamsunienne.

Robert Steuckers, « L’itinéraire de Knut Hamsun »

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